Ces Choses Qu'ils Ne Font Pas

Dès le départ on les reconnaitra par ce qu'ils refuseront de faire.

Ce qu'ils refusent avant même de faire quoi que ce soit, ensemble. 

Quand Peter Buck, obsédé de rock'n roll qui apprend à jouer de la guitare, dit de son comptoir de magasins de disques où il travaille qu'il ne fera jamais parti d'un band parce que les gars dans des bands sont des trou-de-culs. Il ne veut rien savoir d'en être un. Quand, adolescents, Bill Berry, à l'école secondaire, le rocker, ne veut pas être musicien avec Mike Mills, collègue scolaire, dans le stage band,  car beaucoup trop nerd pour lui. Quand Berry rencontre Mills pour la même audition pour le band, ils se découvrent une passion pour les mêmes bands. Bill apprend que c'est de la base que joue principalement Mike. Base et batterie sont aussi indisociables que deux oreilles sur un corps humain bien calibré. Ils nouent une amitié qui n'était séparée, au secondaire, que par l'ignorance. Ils seront meilleurs amis. Micheal Stipe avait aussi eu cette même expérience désagréable au premier contact avec Mills, le rencontrant pour la première fois alors que Mike est parfaitement saoûl et incohérent. C'est Bill qui lui dira que non, au contraire, il est très sérieux, appliqué et musicalement plus avancé qu'eux tous. Bon nerd musical. 

Quand le quartet s'est d'abord formé dans la ville collégiale d'Athens, en Georgie, l'hiver de 1980, j'ai alors 8 ans. Ma vie, mes passions semblent toutes êtres nées à cette âge clé. Le hockey, la lecture, la musique, le cinéma, les filles. Ils refusent d'abord de jouer à l'anniversaire d'un ami(e) commun où ils avaient été engagés pour y jouer. Mais ils y feront quand même leur début. 

Bientôt, ils seraient appelés R.E.M. Pour Rapid Eye Movement. Une étape du mouvement de l'oeil quand il tombe dans une phase du sommeil. Ils se feront connaitre par le nom de R.E.M. 

Et par tous ce qu'ils refuseront de faire. Toute leur carrière.

Ils se sont fait suffisamment remarqués comme élément artistique sonore intéressant pour se gagner des engagements dans les clubs d'Athens au printemps 1980. Ce qui les menés sur scène dans d'autres villes collégiales d'Atlanta et dans tout le Sud-Ouest des États-Unis. Ça ne leur prendra que deux ans avant de se faire signer par une étiquette, I.R.S. Records. Contrat accompagné de toutes sortes de nouvelles choses à pouvoir refuser de faire. Rebelle dans l'âme. Résistants du "dis-moi quoi faire". 

L'indépendance est un élément clé de l'éthique de travail de R.E.M. C'est aussi un trait fort de ma personne. Oui, ils sont capables de changer d'idée. mais à leur rythme, et au moment qu'ils auront choisi, à leur manière. Quand ils seront prêts. Voilà pourquoi que lorsqu'on leur demande de faire la première partie de The Police au spectacle prévu le 6 décembre 1980, ils détestent chaque étape. Car ils ne sentaient pas prêts. Inconfortables, ils ont quand même gagné une présence à la télévision grâce à leur tenue sur scène. C'est Bill qui avait demandé à Ian Copeland, frère du batteur du band The Police, si il pouvait être sur la liste d'invités ayant de bonnes places pour voir le spectacle, mais à la place, on lui avait demandé si son band pouvait faire la première partie. 

En 1983, Peter Buck et Mike Mills étaient reçus au talk show New Yorkais Live at Five. Toujours prévus pour la première partie de The Police, au Shea Stadium. Mais maintenant avec un album en poche. Ils étaient entré en contact avec des travailleurs de l'émission qui se tournait dans le studio d'en face, Late Night With David Letterman. Les travailleurs avaient entendus R.E.M.. les aimaient bien, leur avait demandé si ils voulaient être invités au show de Letterman. Ils avaient acceptés tant qu'ils n'avaient pas à faire du lyp synch. 

Leur band n'existait que depuis 3 ans, ils avaient un premier album, ils passaient la majorité de leur temps sur la route dans une van Dodge pouvant contenir tout l'équipement. Les trainant d'un club à l'autre. Late Night n'était pas que visibilité, c'était des millions de gens au travers de l'Amérique du Nord qui pouvait les voir, mais surtout, les entendre. Peter a 27 ans. Bill & Mike, 25. Micheal 23.  

Pour un petit band post-punk du sud de la Georgie, c'était une opportunité immense. Ce qui faisait aussi quelque chose de surprenant de l'attitude de Micheal Stipe qui ne voulait pas répondre à une seule question de l'animateur David Letterman. 

Plus ils seront populaires, plus la panoplie d'attentes qu'ils ne voulaient pas combler ne ferait que s'allonger. Ils voudraient le moins possible écrire de chansons aux structures traditionnelles. Ou écrire des paroles qui trouveraient un sens qui serait trop littéraire. Faisant confiance à l'intelligence des gens et déduisant que vous comprendriez de quoi on parle sans avoir à tenir la main. Mais en même temps. R.E.M. toute sa carrière, ne mixera jamais la voix de Stipe (ou Mills) au dessus des instruments, mais au même niveau. Et les paroles ne seraient pas inclus dans leurs pochettes d'albums. Ils refuseront aussi de travailler avec les producteurs qui leur demanderaient de travailler un son pouvant jouer à la radio. "Est-ce que Wire ou The Stranglers jouent à la radio ?" Non. Jimi Hendrix a dû mourir pour le faire un peu. Ce n'était pas un critère pour les quartet.

Quand venait le moment de faire la promotion de leur matériel et partir en tournée, R.E.M. a refusé de faire la première partie de plusieurs bands très populaires auxquels ils ne voulaient pas être associés, même si ceci leur aurait donné une exposition massive. Ils ont fait des exceptions pour The Police, mais ont si peu aimé qu'ils ont juré ne plus ouvrir comme ça. Les artistes de l'étiquette disaient oui à toutes les chances. R.E.M. disaient plus souvent non. 

Quand ils ont fait leurs premiers vidéos, Micheal refusait de faire du lyp synch sur les chansons pour les caméras. Quand l'ancien étudiant en arts a pris le contrôle des vidéos du band, il s'assurait de faire de tout sauf un band qui jour pour la caméra. De l'art. Des films d'avant-garde si il le pouvait. 

Le band avait ses raisons de s'entêter. 

Le monde du rock et sa culture dans les jeunes années 80, était dans une recherche d'esthétique, après des années 70 où l'image était encore un peu neuve, on savait maintenant comment composer avec la caméra, et on pouvait savoir ce qu'on voulait désormais présenter sans avoir à se soumettre à toute sortes d'exigences attendues. La conformité rigide du milieu pouvait plier. 

Puisque c'étaient des artistes. Créateurs de possibles.

Commencent quelques 52 dimanches où je vous parlerai de ce band qui a été la trame sonore d'une large partie de ma vie. Le lendemain des 65 ans de Micheal Stipe.

Vie de 53 ans, dans un mois moins un jour. 

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