L' Empreinte Sonore

R.E.M. est signé chez l'étiquette I.R.S. 

Dès décembre 1982, on commence à travailler ce qui serait le premier long jeu. On leur assigne le producteur Stephen Hague. Mais ce dernier a la main lourde et est perfectionniste. Il leur fait reprendre si souvent un morceau, que Bill Berry finit par détester la chanson. Le fil se brise entre eux quand Hague ajoute sans leur consentement une portion de synthés qu'on va vite effacer. En plus d'exiger le retour de Mitch Easter avec lesquels ils avaient déjà travaillé. Don Dixon est aussi aux côtés de Easter quand on enregistre en Caroline du Nord. À partir du 6 janvier 1983, avec Easter & Dixon, on refuse les clichés des solos de guitares et l'ajout de synthés que semble suggérer le new wave qui frappe l'époque. On veut un son qui serait intemporel. Qui s'inscrirait dans la durée. 

Post punk, avec une influence funk, inspiré de The Feelies, Television ou The Byrds, la guitare de Peter Buck a le "reverb" si mort qu'il devra souvent utiliser la Ampeg Gemini II de Mitch Easter. Mike Mills, pour sa part, utilise une base Rickenbacker 4001 appartenant à la copine amoureuse d'Easter. Micheal Stipe dira qu'il élève au statut d'art le marmonnage. Et insiste pour dire que les paroles sont secondaires au son unifié du band. On veut d'abord être une vibe. Bill Berry veut le son de sa batterie le plus brut possible. Sans flafla. Il veut se faire enregistrer dans un cubicule, une technique jugée ancienne en 1983. Dixon & Easter leur laissent beaucoup d'espace de créativité. Berry impressionnera beaucoup Stipe par ses suggestions de mélodies. Confirmant que les crédits d'écriture, de compositions, doivent rester à 4 noms. Dixon & Easter font le bon choix en laissant l'empreinte sonore du band naître.

Pour une rare fois, Micheal Stipe co-signera un des ses textes. Avec Neil Bogan, un ami du band. On avance beaucoup. On aime. Une amie dont on ne se rappelle plus qui, vient jouer un peu de violon, mais personne ne se rappelle qui l'avait invitée, ni même son nom, elle ne sera jamais créditée pour sa collaboration. Mills Buck, Easter & Dixon jouent tous de la guitare acoustique sur ce morceau. 

On joue deux partitions sur deux pianos différents, qui seront volontairement désynchronisées. Peter Buck joue de la 12 cordes. C'est sur ce morceau que Berry propose la mélodie presqu'en entier. On est très satisfait de ce qu'on offre. On sent une équipe soudée. On retravaille le single qui les avait fait connaître dans les collèges. Ce sera le premier single. Talk About The Passion, le second. L'enregistrement est terminé le 23 février 1983. Le mixage se fait tout le mois de mars. La conception de la pochette aussi.

Le kudzu est une sorte de vigne principalement asiatique très invasive en Amérique du Nord. C'est le type d'empreinte qu'on souhaiterait inconsciemment laisser sur les ondes musicales. Le kudzu est très omniprésent sous la chemin de fer de Georgie, à Athens. C'est un peu une référence visuelle de la région. On est fier d'Athens où ils ont tous pris racines ensemble. On prendra une photo qui en sera la pochette. Dans la première version séquentielle, on garde une reprise de Velvet Underground en clôture d'album. Mais vite, on se ravise quand on réalise que tout le reste est de la composition originale, alors pourquoi ne pas laisser un menu entièrement R.E.M. ? Bon choix au final. 

Quand l'album est lancé, le 12 avril 1983, les critiques sont pas mal bonnes. Faisant toujours la première partie de The Police, en tournée, Peter & Mike vont faire quelques courtes entrevues, ici et là, quand Micheal refuse de se prêter au jeu. 

Le premier single atteindra la 78e position des ventes et l'album, la 36e du Billboard. On ne vend que 200 000 copies, mais on se fait connaître. 8 ans plus tard, on atteindre la demi million de ventes, mais les critiques sont partout, très très intéressées. Le magazine Rolling Stone lui donne 4 étoiles sur 5. On trouve qu'ils sont plein de promesses, intrigants, énigmatiques, intelligent, rythmés, aux guitares fluides. On parle même de splendide film noir musical, ce qui n'est pas pour déplaire aux amateurs de cinéma qu'ils sont tous. Austère et riche à la fois. Parfum d'underground. New Wave, sans en être marqués au fer rouge. Le magazine Rolling Stone aime tant qu'on le choisira album de l'année devant Thriller de Micheal Jackson, War, de U2, auxquels ils sont comparés, et Synchronicity de The Police, pour lesquels, ils font encore les ouvertures. R.E.M. reste impressionné par la bonne réception au Royaume-Uni alors que le band n'y a encore jamais mis pied. 

Le magazine Paste, il y a tout juste deux ans, place Murmur 6e parmi les meilleurs premiers albums de tous les temps, selon eux. On citera Laughing et Sitting Still comme deux incontournables de la musique underground. 5 différents magazines lui donnent 5 étoiles. Deux leur donne 4. The Village Voice donne A-. Assez fameux, peu importe les ventes. Le magazine Rolling Stone, en 1989, le classe 8e parmi les meilleurs albums des années 80, qui se clôturent alors. Il sera aussi inclus dans le livre des 1001 albums qu'il vous faut écouter avant de mourir et un livre de la collection 33 1/3 lui est aussi consacré, signé J.Niimi. 

Jangle pop, rock alternatif, post punk, folk rock, garage rock, R.E.M. est présenté. On est content du son unifié. 

Murmur ne suit pas le courant de 1983, il innove. Tout en présentant la culture nord américaine. Encore de nos jours, non seulement on s'y reconnait dans le ton, les mots et les sons, art gothique du Sud des États-Unis, mais il sonne toujours miraculeusement atemporel. Puisque toujours pas déplacé, musicalement, si 42 ans plus tard, on l'entend pour la première fois.  

On sent que c'est une première mission accomplie. 

Quand on demande à Stipe d'expliquer ses mystérieuses paroles, il répond que si les gens veulent des réponses de R.E.M, ils regardent non seulement à la mauvaise place, mais ils posent aussi les mauvaises questions. 

Dans la grande sphère musicale, ils ne sont encore que murmures.

Bons murmures.