Rayonnants Gens Heureux

1989. 

Quelle belle année dans ma vie. J'ai 17 ans et jamais la gente féminine ne s'intéressera davantage à moi. J'apprends d'elles et de la vie. J'en perds ma religion. Qui était alors, le hockey. Non seulement je jouais compétitivement à de hauts niveaux, (les Cataractes de Shawinigan m'inviteront à leur camp d'entrainement). mais je comptais devenir un jour joueur de la LNH. Des Nordiques idéalement.  Je suis près du paradis.

R.E.M. apprend à être superstars. Leurs vidéos, leur musique, leurs spectacles sont en demande partout. Avec U2, Depeche Mode, The Cure, ils règnent au sommet d'une large partie de la génération X. Le grunge des années 90 se pointera bientôt et ils en seront aussi victimes. La musique ne sera plus aussi sexy que slacker. Green est leur premier album sous l'étiquette Warner qui leur en ont promis 7 sur 13 ans. Avec droit de regard et de révision de contrat à mi-chemin. Leur 6e album a vendu plus de 4 millions de fois dans le monde. C'est 4 fois ce que leur album d'avant avait vendu. Ils ont le vent dans les voiles. Ne peuvent plus se présenter n'importe où sans se faire reconnaître. Quand on est dans le coeur des vagues, on ne voit pas toujours bien dans quels sens elles se lancent. Ce n'est pas toujours important si on pense être de ceux qui guident ces vagues. Et R.E.M. en a l'arrogance. Principalement logée en Micheal Stipe. À qui on reproche de ne pas assez souvent sourire. Il composera un morceau pour s'en moquer. Comme la formation canadienne Rush, à qui l'étiquette avait exigé un album de hits après trois albums plus hard rock qui n'avaient pas complètement trouvé leur public , et qui avait répliqué avec audace avec un album concept de 6 chansons, encore plus niché, dont la pièce titre dure plus de 20 minutes, R.E.M. a toujours respecté ce qu'ils avaient envie de faire. 

Le succès peut faire perdre le sens des perspectives. Peter, Micheal, Mike & Bill le savent trop. On veut un album si riche qu'il ne pourrait que plaire au plus grand nombre. Et on veut se faire plaisir aussi. On travaille du funk comme on ne l'avait pas fait depuis Fables of the Reconstruction. Du country, du folk comme suggéré sur Green. De l'americana. On développe autour de gratouillages de Peter à la mandoline. Une chanson si importante qu'elle sera vite #1, mais surtout, impérissable personnellement pour moi et ma belle. On invite une amie sur deux morceaux. Mike Mills compose un de leur plus beaux morceaux et on tourne un de leur plus beau vidéo autour. Presque Beach Boys dans les harmonies vocales. Vraiment beau. On enregistre ces deux morceaux qu'on a joué en spectacle tout 1989. On clôt le premier côté, qu'on appellera le côté "temps", par une pièce instrumentale qu'on veut évocative d'un générique de film. 

Quand 10 000 Maniacs, leurs ami(e)s, composent un morceau sur la grossesse d'un point de vue féminin dans un de leurs morceaux, Stipe étire un riff de Mike Mills sur une chanson complète qui raconterait le point de vue masculin d'une grossesse, qui n'existe pas sans les deux sexes. Le côté "mémoire" avec ses 6 morceaux est tout aussi brillant que le premier côté. 

Pour l'emballage de l'album, on s'associe à Rock The Vote, et Stipe se fait porte parole ici et là du devoir d'appuyer le Motor Voter Act. Ce sera un immense succès. Plus de 10 000 pétitions sont amenées au Sénat et le président Bill Clinton fera passer sa loi en 1993, en saluant les efforts de R.E.M. qu'il qualifie alors de band le plus politique dans le monde de la musique. Monde sur lequel ils trônent assez complètement au sommet. 

Travaillé et enregistré pas mal tout 1990, le premier single est lancé en février 1991. Il sera #1 aux États-Unis et au Royaume-Uni, une première pour le band d'Athens, en Georgie.  En voyant le video que tricote Mark Pellington pour Edie Brickell & New Bohemians pour leur single Mama Help Me, tiré de leur second album, Micheal Stipe, qui est toujours l'oeil cinématographique pour le band, est complètement charmé par l'esthétique et on l'engage aussi pour le clip de Losing My Religion. Je suis étudiant universitaire à Sherbooke, J'aurais mes 4 dernières de sérieuses compagnes amoureuses là bas sur un an. Je sais, je sais, une moyenne de 3 mois avec chacune. Coureur de jupons ? Pas vraiment, j'était aussi choisi. Mais la suivante, celle que je découvrirai en octobre 1992, sera la bonne. Le femme de ma vie. La mère de nos enfants. Même si Losing My Religion existe sur les ondes depuis 10 mois, elle joue encore très souvent absolument partout. Elle sera éternellement associée à nos premiers flirts ensemble. Elle nous fait encore quelque chose de nos jours. It was not just a dream. 

Leur 7e album vend merveilleusement bien. Il aura deux pointes de ventes. À sa sortie au printemps 1991 avec 2 singles. Puis, l'été et l'automne quand les deux derniers singles sont lancés. Mills chante deux fois comme chanteur principal. Il savoure les deux fois, mais confirme qu'il préfère vraiment les instruments et ne voudrait pas chanter en tout temps. Il jouera de la basse, de la harpe, de l'orgue, du piano, des percussions, du synthé, fait des arrangements vocaux et instrumentaux et co-produit. Buck joue de toutes les cordes, en plus de produire lui aussi. Berry joue sa batterie, des percussions, des congas, du piano et co-produit. Stipe compose toutes les paroles, sauf les deux chantées par Mike Mills, co-écrites avec lui, fait la voix principale, bien entendu, s'occupe des photos et de l'emballage de l'album, de l'esthétique de tout ça, reste lui-même une carte de mode signifiante comme premier artiste qu'on remarque dans le band au micro. Il jouera aussi du Mélodica.  Il fait également des arrangements vocaux et instrumentaux et co-produit. On collectionnera les MTV Awatds et les Grammys. 

Ils font tout ça avec leur inséparable producteur Scott Litt. 

Un succès de plus de 12 millions de ventes. soit 3 fois les meilleures ventes qu'ils venaient de faire avec Green. On ne fera pas de tournée, car 1989 les avaient épuisés,  mais on sera partout invités, en rotation continuelle à la télé et à la radio, même si on semble la critiquer dès le premier morceau en prétendant que le monde s'effondre autour des oreilles des gens qui l'écoutent. Ils n'ont jamais été plus riches et ont pratiquement déjà carte blanche pour leurs prochains projets. ils triplent leurs ventes pour ceux et celles pour qui ils travaillent.

Pour nous, génération X, pour qui ils travaillent pour vrai. Pour eux-mêmes. 

Ils se tatouent dans nos coeurs, nos oreilles et leurs sons seront de nos ADN. Le Canada est le 4e pays où ils se vendent le plus. Derrière les É-U, l'Angleterre et l'Allemagne. 

C'est le premier CD que je m'achète "en direct" du band. j'achèterai aussi en rétropédalant Green, Life's Rich Pageant, Document. Et étrangement, pensant peut-être réunir tout ce qui se faisait avant (surement) Eponymous. Nous n'avions pas encore l'internet. Le CD était tout neuf. Prétendu impérissable. Aujourd'hui, mort. 

 En Autriche, au Portugal, en Allemagne, en Italie, en Irlande, au Canada, Out of Time sera si de son temps, qu'il sera #1 des ventes. 

On ne se brûle pas en tournée, on rayonne. En 2006, le magazine Time le place dans les 100 meilleurs albums de tous les temps. 

En septembre 1991, on lance un DVD de 12 vidéos incluant ceux des 4 singles, 6 autres vidéos de performances de 6 autres morceaux du même album, ainsi qu'une version acoustique d'un morceau de The Troggs. 

13 mois plus tard, de passage à Québec, habitant Sherbrooke, mais originaire de Sillery, je croise les plus beaux yeux océans/mer qu'ils soient possible de croiser. Une femme qui va transformer ma vie. 

Et qui craque elle aussi pour celui que je suis, bâti en partie par ces 4 musiciens d'Athens en Georgie.