À Propos de la Passion

Depuis la fin des années 70, les 4 gars d'Athens sont soudés. Vraiment soudés. Le plus jeune est gay. Les trois autres n'en font pas de grands plats mais si on l'attaque verbalement là-dessus, on le défendra vivement. Micheal Stipe ne se déclare pas gay non plus. On le comprend avec le temps et ses fréquentations. Il ne se fait pas porte parole de l'homosexualité. Ne pose pas en représentant. Il est militant contre les injustices, beaucoup, et forcément, puisque "différente", la communauté LGBTQ+ en est victime.  Depuis toujours d'ailleurs. Les deux du même âge, Bill & Mike n'étaient pas bâtis très jeunes pour être inséparables, mais le sont devenus. Bill était rocker, Mike, aussi "nerd" qu'il puisse en avoir l'air, a appliqué son sens du devoir à suivre des cours de musique, c'est d'ailleurs le seul des 4 à en avoir une formation, et à développer sa curiosité musicale jusqu'à apprendre à jouer du piano, de la guitare, de la base, à travailler des harmonies à la Brian Wilson, et à chanter. Finalement, Peter, l'ainé du groupe, s'est investi, années après années, avec Kevin Kenney, son gardien des guitares, à explorer l'instrument à cordes et ses dérivés, à fond et avec autant de passion. 

Parlons donc de la passion.  Une passion musicale qu'ils ont développé ensemble depuis bientôt 20 ans maintenant. 

À partir du 5 avril 1980, tout s'est bousculé si vite. Après ce spectacle dans l'enceinte de l'église, le neuf nom du band, R.E.M. circulait beaucoup dans la région d'Athens. Quand on leur demande d'être le spectacle principal chez Tyrone's, le 13 mai suivant, la foule est plus grosse, mais plus anonyme aussi. Ces gens ont choisi de venir les entendre, suivent une rumeur, ou les découvrent par hasard dans un endroit populaire. La pression n'est plus la même. Mais comme ils s'harmonisent si bien ensemble, ils s'amusent sur scène. On aime tant que 2 jours plus tard, on les redemande au même endroit. Avec autant de succès. Quand ils font la première partie de The Brains, ces derniers sont presqu'insultés de voir que les gens sont principalement venus voir et entendre cette première partie. Le 30 mai d'après, c'est tout simplement salle comble pour R.E.M. Quand ils sont demandés pour la soirée hip Mad Hatter. La foule est plus nombreuse, plus étudiante, et peuplés de gens qu'on voyaient peu à Athens. Des sportifs, des "preppies", des gens avec des t-shirts arborant la lettre grecque de leur fraternité universitaire. On danse et on tend le poing. Buck a alors l'impression qu'on est à un spectacle de REO Speedwagon. Des gens ont été refusés à l'entrée. Les membres de leur band ami Pylon seront frustrés d'être forcés à écouter de la rue au dernier spectacle en mai. 

De plus, leurs spectacles attirent 50 personnes, R.E.M. joue devant plus de 200 tout le temps. Ça les insulte aussi.

R.E.M. s'inspire de Johnny Rivers, The Monkees, Velvet Underground, Johnny Kidd & The Pirates. Les 4 membres sont d'égales importance. La connexion entre Bill & Mike est parfaite.  Ils jouent serrés, mais restent flexibles. Ils fusionnent tous deux avec vélocité, se complètent naturellement. On s'en rend particulièrement compte quand on doit remplacer Bill en 1995, en tournée. Sans dire que ceux qui le remplace ne suivent pas le rythme, ce n'est pas ce à quoi Mike est habitué avec Berry.

Bertis Down IV, est ami d'enfance de Bill Berry. Il connaissait aussi Peter Buck de son magasin de disque et aimait discuter avec lui de Neil Young  au comptoir certains soirs. Rien n'excite plus Downs IV, alors étudiant en droit, que de voir la police forcer la fermeture des bars quand les spectacles s'étirent que les foules ne veulent plus quitter les lieux. Il dira au band, légèrement surexcité, qu'ils sont plus "big" que les Beatles. Downs n'avait pas l'intention de travailler dans le monde musical, mais il leur dit, en 1980, que si ils ont besoin de conseils légaux face à des contrats qu'ils n'ont pas encore, qu'ils le consultent, il le fera gratuitement. Il n'a pas fini sa seconde année d'université dans le domaine, mais connait son affaire en ce qui concerne les contrats. Il sera conseiller légal pour eux, et même gérant temporaire quand leur premier, Jefferson Holt, quitte ses fonctions, dès 1996. Et Berry est tout simplement indispensable. Il est trait d'union de ce qui est la fondation du groupe. 

Alors en 1995, perdre Bill Berry ? Pas passionnant pour personne. On complète la tournée. mais on s'inquiète.

À leurs débuts, c'est Berry qui a le plus d'expérience dans le monde de la musique car il y a travaillé dans les bureaux et les entrepôts d'une agence de booking d'artistes. Dans la ville de Macon, il était hyperattentif à tous ce qui se disait autour de lui et posait lui-même beaucoup de questions afin de peut-être débroussailler la route pour le band en devenir. Il travaillait pour la Paragon Booking Agency et il ne voulait rien de moins que de faire booker son band. Don Braxley est un agent qui y bosse et se rappelle un petit à lunettes appelé Mike qui trainait souvent avec lui. C'est par Braxley que R.E.M. (Bill) réussit à planter l'idée de faire faire au band la première partie de la formation britannique fort populaire The Police, à l'été 1980. Quand Berry se présente à Braxley, il amène avec lui Mike Mills. Braxley ne peut pas signer le groupe à une maison de disque, mais Ian Copeland, un ami, frère du batteur de The Police, Stewart, pourrait. Et Braxley les mets en contact. Copeland est à New York afin de travailler avec son autre frère, Miles, qui lui, est fondateur de la maison de disque I.R.S. Braxley leur sera précieux car il leur fait don de l'entièreté des informations de son rolodex, et c'est riche en contacts. Quand Bill & Mike présentent aux 2 autres, on est surexcités. Des contacts dans des bars, des universités, des # de téléphones d'agents, de gérants potentiels, de gestionnaires de talents, des lieux de tenues de spectacles. 

Braxley est de ceux qui leur diront de jouer davantage leurs créations que de faire des reprises. Il leur a dit d'approcher leur musique comme un travail. En s'y appliquant sérieusement. Bill, Mike & Pete, ce n'est pas un problème. Mais Micheal Stipe est davantage investi dans ses études en arts. Il adore se rendre à l'école tous les jours. Mais dès qu'il a un micro devant lui, il se transforme et complètement se donne. 

Bill est à la source de tout ça. Et Stipe sera le premier surpris de le voir aussi créatif dans plusieurs harmonies du groupe. Dont le refrain de Man on the Moon. En 1995-1996, Bill est sur le carreau. On a eu peur de le perdre. Pour de bon. Le 1er mars 1995, à La Patinoire de Lausanne, en Suisse, il s'effondre sur scène d'une rupture cérébrale. C'est très grave. Le temps de réaction de tous est primordial. Il s'en sort vivant et sans effets secondaires, mais son énergie n'est plus la même. Et il est forcé à un temps de récupération qui force le band à le remplacer en tournée. Puisqu'on enregistre partout, entre les date de tournées en 1995, dans les deux premiers mois, Berry sera de tous les morceaux du prochain effort quand même.  

On vient de resigner avec Warner pour une somme dite astronomique mais jamais révélée. Les médias avancent 80 millions de dollars, le band démentira. On a beaucoup enregistré pendant la tournée pour Monster. On a cherché à croiser un son entre le côté Sonic Youth de Monster, l'acoustique country rock de Out of Time, le ton d'Automatic For The People, et le rock riche et brut de Life's Rich Pageant. Du folk rock-jangle. Bill est de tous les morceaux. Berry joue même du "sifflet d'Ennio", une référence à un morceau d'Ennio Morriconne, pour le film The Good, the Bad & The Ugly.

Quand Bill revient en studio c'est le bonheur absolu. On réalise à quel point cette passion qui les fait vivre, a besoin des 4 membres pour ainsi vibrer. Après cette épreuve personnelle et collective, on trouve que faire un album en studio est un jeu d'enfant. On écoute beaucoup Time Fades Away de Neil Young. Pour ce mettre dans ce mood. Trouver la "vibe".

On utilise toujours le même morceau pour se partir ensemble. Un morceau qu'on ne fera jamais sur un album de R.E.M. mais qu'on offrira à la trame sonore de Batman & Robin.

On enregistre à Athens, Los Angeles, Seattle, Portland, au Tennessee, partout en tournée. Là où quand on sent qu'on tient quelque chose, il faut vite l'enregistrer. C'était une bonne idée. Aucune chanson ne contient pas leur batteur. Comme ils sont toujours sur la route, la pochette autant que le contenu des chansons, évoquent la route, le mouvement. 

On se dirige vers quelque chose. On attend le mois d'août pour un premier single. Enregistré avec une idole, Patti Smith.

Peter Buck dira "Je me moque qu'on aime ce qu'on fait ou non, j'ai une chanson avec Patti Smtih sur un de nos disques, je peux mourir". 

Après avoir assez peu aimé Monster, les généreseuses Nouvelles Aventures en Hi-Fi me consolent. 

On me montre encore qu'on peut me rejoindre habilement. 

J'ai 24 ans. 

 Je reste passionné de ce band qui me suit depuis tout le temps. 

Cet album épouse tout ce que j'ai envie d'eux à cet âge où après deux ans de fréquentations à distance, l'amoureuse et moi emménageons ensemble. Pour la vie.