Suiveurs de Chaos Hors de Contrôle
Le band est au sommet d'une popularité qui les épate. En Israël, les jeunes qui reconnaissent Mike Mills lui demandent de jouer "Oh Life" qui sont les premiers mots qu'ils comprennent de Losing My Religion. Au coeur de la jungle du Paraguay, Mills entend aussi ce morceau, Stipe entendra aussi des morceaux à des drôles d'endroits dans le monde. Ils sont épatés de les entendre, mais aussi de se trouver à l'autre bout du monde si facilement. À pas 40 ans encore. Micheal aura 34 ans, Mills & Berry auront 36, Buck n'aura que 38 ans en fin d'année.
Les gars remarquent qu'avec le grunge arrive une génération du style "Fuck off" (leurs propres mots). Une génération prête à tout de suite faire ce qui lui plait. Un hymne de Rage Against the Machine épouse cette idée vers 4:15. Rares sont les morceaux du genre à amener systématiquement tous les mâles sur une piste de danse. L'écho est direct, le branchement total. Micheal Stipe sent un écart générationnel se creuser, il est témoin de gens qui essaient de se la jouer branché sur la jeune génération, mais qui ne sont pas très bons à le faire. Il veut écrire sur la "déconnexion" et la génération X, la nôtre, tel que (mal) comprise par un vieux critique moins en communion avec son époque. Le titre du morceau est une référence directe à une attaque qu'a subi le journaliste télé Dan Rather, en 1986.Le 4 octobre 1986, retournant à son appartement de Park Avenue, à New York, Rather est attaqué par derrière par un homme qui le frappe et un second qui s'y met aussi. Un des deux répète constamment en le battant, "Kenneth ! C'est quoi la fréquence ?". Rather n'en fait pas grand cas, mais ça devient connu qu'un des 2 assaillants répétait ceci sans cesse. Tellement que le bédéiste Daniel Clowes utilise la phrase dans une de ses bédés pour adultes. La formation Game Theory, un an après les évènements, ouvre son album Lolita Nation avec un morceau en portant le titre. Ce ne sera qu'en 1997 que William Tager, un déséquilibré mental, désormais condamné de12 à 25 ans de prison pour l'assassinat d'un travailleur de la station télé NBC, est identifié par Rather comme l'assaillant que ne faisait que répéter cette phrase. Il entendait des fréquences radios dans les bulletins de Rather à la télé, croyait que la station télé cherchait à l'attaquer, voulait les en empêcher. Quand il a tué le pauvre technicien de NBC, il tentait d'entrer armé dans la station télé pour bloquer les "fréquences". Le meurtre est étrangement fait presqu'au même moment que le band enregistre la première mouture du morceau. Stipe écrit un protagoniste qui essaie désespérément de comprendre ce qui motive une génération plus jeune et qui essaie très fort de les rejoindre sans réellement réussir à y arriver. Mills ne voyait pas vraiment une chanson, mais les gars la développent ensemble du mois d'août à octobre Pendant le morceau, Mills se sent inconfortable et il se trouve qu'il est victime d'une crise d'appendicite. Il est amené à l'hôpital d'urgence pour y être opéré. Kurt Cobain est mort en avril. Ça a pesé lourd sur le band qui en était proche. Courtney Love avait donné à Peter Buck la guitare Jag-stang de Kurt. C'est elle qu'on entendra sur le morceau final. R.E.M. avait écrit un morceau qu'ils voulaient offrir à Nirvana. Mais jamais ils n'auront la chance de l'offrir à Cobain. Un second morceau racontera le sentiment de deuil de Stipe à l'égard de ce brutal départ de sa part. Comme le grunge se rapproche de ce qu'était le punk, on veut un album dans ce ton. On compose dans ces eaux. Quand on s'installe en Nouvelle-Orléans, sous la supervision de Mark Howard, qui était de l'équipe d'Automatic For the People, on compose pas moins de 45 chansons. Dont au moins la moitié acoustiques. Sur le 9e album à venir, l'acoustique sera très rare. On enregistre à Los Angeles, à Miami, à Atlanta, en Nouvelle-Orléans. On pense appeler l'album Monster seulement parce que les chansons seront si bruyantes, si construites pour être jouées en spectacle, que le monstre offert sur disque pourrait mettre en péril les morceaux proposés. Menacent chaque chansons présentées.Ironiquement, les gars parlent des 12 années républicaines passées comme étant les plus corrompues "et qu'on ne reverra plus un gouvernement républicain aussi corrompu d'ici tôt"
HA!
Oui, bon...on ne pouvait pas deviner la folie actuelle.
Buck dira que les deux albums précédents auraient pu avoir été lancés en 1976 ou en 1979. Il n'y avait pas tant de modernité sur chacun d'eux. On voulait cette fois un album qui serait une "croquée d'époque". Comme je n'embarquerai jamais dans le grunge, ce sera un album que j'aimerai effectivement moins. À quelques morceaux près. Dont un avec une voix de femme fort agréable. Celle de Sally Dworsky. La soeur de Micheal Stipe,Lynda, elle-même musicienne pour les bands Oh-Ok, Hetch Hetchy et Flash to Bang Time, ainsi qu'une des soeurs de River Phoenix chantent aussi sur un des morceaux, dans les choeurs.
À Los Angeles, ça chie un peu. Les 4 gars ne sont jamais au même endroit au même moment. Stipe écrit des chansons alors qu'on serait rendu au Mix. On s'envoie même tellement paître car on ne s'entend pas sur le niveau de rock qu'on veut graver que le band se "sépare", le temps de se resouder. On veut la guitare si forte qu'on garde la voix de Micheal plus lo-fi. On veut un son garage. Jeune. Cool. Je trouverai que pour la première fois, R.E.M. ne montre pas la route, mais suit celles des autres. Le grunge alternatif ne leur va pas si bien et pour la première fois, je les trouve "empruntés". Dans la tournée mondiale qui suivra, je trouverai même Micheal Stipe assez poseur. Trop étudié sur ce qu'il projette. Très calculé. Presque faux. "Je m'inspire beaucoup des écrivains de la beat generation" sonne faux dans sa bouche. Et je ne l'entends pas vraiment sur cet album.
Le prochain, oui, toutefois. On voulait présenter une nouvelle direction sonore. On a fait un clin d'oeil à Seattle. On lance l'album en septembre. Scott Litt co-produit encore avec le band. Le premier single sera #1 en Islande et sur les radios alternatives des États-Unis. #2 au Canada. Bang & Blame sera #1 en Italie et au Canada, ainsi que sur les ondes des radios alternatives des États-Unis.
Avant Losing My Religion, Micheal Stipe avait refusé de faire du lipsync car il savait déjà qu'il brisait les images mentales des auditeurs par l'image. Alors pourquoi faire semblant. Dans Losing My Religion, pour la première fois, il lip sync pour un clip commercialisé. Mais encore là, pas au complet. Et dans le premier vidéo pour promouvoir Monster, on le voit prendre son micro à deux mains, masquant souvent sa bouche.
L'album passe très près de se nommer, tour à tour, The Bear & The Balloon ou Songs to Sing With a Ketchup Bottle as a Mic.Je trouverai effectivement, personnellement, gonflé à l'hélium, artificiel, sucré comme le ketchup, et accompagnant la malbouffe.
Sonore.
Me consolerai avec les années en y trouvant un petit côté glam rock. Les gens aimeront puisque, avec l'aide de 3 autres singles en 1995, ce sera le 3e album le plus vendu de l'histoire du band. Derrière Automatic... et Out of Time. Avec plus de 6 millions de ventes. Ce qui est encore la moitié de ce qu'a vendu Out of Time.
Avant de se supprimer du monde des vivants, Kurt Cobain dira de R.E.M. : "Si j'arrivais à composer seulement 2 à 3 morceaux à la hauteur de ce qu'ils ont fait sur Automatic For The People...je ne sais pas comment ils font, ils sont si bons, Ils négocient avec leur succès comme des saints. Continuent de livrer de la fameuse musique"
Ce 9e album studio sera teinté des âmes de Kurt & River. Une tournée mondiale est en préparation.
Dans cette jungle, on est encore lion.
Ou Ours.
Mais pas crevable ballon.
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